Plus de 70 spectateurs, dont 22 anciens participants au Programme JET, ont applaudi le film Herbe flottante de Mohamed GHANEM le lundi 30 juin. Organisée par JETAA France en partenariat avec le Groupe de Recherches et d'Essais Cinématographiques (le GREC) et la Société civile des auteurs multimédia (la Scam), la projection-conférence a apporté un éclairage nouveau sur le monde du théâtre itinérant taishu engeki. 



Portrait d'une profession exigeante


    Le public a pu découvrir à l'écran la vie quotidienne de TACHIBANA Daigoro, vedette de sa troupe et spécialiste des rôles féminins. Des coulisses à la scène, en passant par les déplacements d'une région à l'autre à grand renfort de camions envahis de cartons, la caméra entre dans l'intimité de l'acteur et révèle les conditions d'une profession exigeante méconnue des Japonais eux-mêmes. 

    Créature d'une beauté surnaturelle sous les projecteurs, adulé par des parterres fascinés, Daigoro impressionne par son charisme et incarne avec aisance aussi bien la courtisane que le brigand hâbleur. Quelles sont les frontières entre l'homme et l'acteur ? Le documentaire interroge les différents rôles endossés par l'artiste : leader d'une communauté, détenteur d'une tradition, expression d'une certaine marginalité au sein de la société japonaise... Le documentaire saisit avec subtilité les tourments d'un homme sur lequel pèse la responsabilité de la transmission. 

Echange entre le réalisateur Mohamed GHANEM et le public


Un réalisateur passionné de théâtre et de cinéma japonais


    Saluons l'habileté du réalisateur, qui a su s'immiscer au sein d'un microcosme qui dévoile rarement l'envers de son décor. Originaire de Picardie, Mohamed GHANEM s'est pris de passion très tôt pour le Japon. Il débute l'apprentissage du japonais à l'Institut National des Langues et Civilisations Orientales (INALCO) à Paris, puis étudie une année à Tokyo dans le cadre de sa maîtrise. 

    Grâce au Programme JET, il devient coordinateur des relations internationales de la Ville de Kanazawa 2009 à 2012, une expérience qui lui permettra d'acquérir une fine connaissance des administrations japonaises. Après des études de photographie et d'écriture cinématographique aux Etats-Unis, il travaille en tant que chargé de programmation à la Maison de la Culture du Japon à Paris. Aujourd'hui, il est actif aussi bien au cinéma qu'au théâtre. Il signe son premier court-métrage avec Herbe flottante, lauréat du Prix du Public au Festival du film documentaire de Tokyo 2024.

Les anciens JET Philippe ACHERMANN et Mohamed GHANEM


Les coulisses du film


    Après la projection, Mohamed GHANEM s'est livré aux questions de Philippe ACHERMANN, ancien participant au Programme JET à Tokyo de 1994 à 1997 et talentueux artiste. Surprise : la première rencontre entre le réalisateur et Daigoro a eu lieu... dans un bain public ! Les Japonais parlent de hadaka no tsukiai 裸の付き合い, ou "camaraderie dans la nudité", propice aux belles amitiés. 

    Le réalisateur a par ailleurs évoqué l'influence du cinéma d'OZU Yasujiro. Les aficionados auront reconnu les clins d'œil à Histoire d'herbes flottantes (1934) et Herbes flottantes (1959), deux œuvres évoquant également le théâtre itinérant, mais sous le prisme de la fiction. Filmer la réalité impliquait d'autres difficultés, notamment celle d'instaurer une relation de confiance avec les sujets du documentaire. 

    Mohamed GHANEM a pu compter sur sa fine connaissance de la culture et de la langue japonaises pour suivre la troupe Tachibana tout au long de sa tournée. Seul derrière la caméra, il s'est fondu dans le groupe et a capté de nombreux instants invisibles pour le grand public : l'habillage des artistes, ou encore les temps de recueillement entre les spectacles. Il a tenu à montrer aussi la présence des femmes, petites mains constamment affairées qui ne prennent leur repas qu'après les hommes. 

Pour aller plus loin


    La séance s'est terminée par un échange chaleureux avec un public investi, suivi d'un pot convivial. Nous renouvelons nos remerciements à la Scam, qui a très aimablement mis à notre disposition l'auditorium Charles Brabant et des ses locaux, ainsi qu'à toutes les personnes qui nous ont prêté main forte pour faire de cet événement un succès !